Novembre 2025
Éditorial par François-Marie Héraud
Toucher à l'éternité
Le toucher est l’un des sens les plus importants chez l’être humain et, bien avant la naissance, le tout premier à se développer. Mécanique complexe, il est le sens de l’intimité et de la proximité en permettant le contact physique. Bien sûr, on pense tout de suite aux mains qui permettent de toucher, de tenir ou aux pieds qui nous donnent la mobilité. Mais à titre du plus grand des organes, la peau permet aussi ce contact direct. Pas étonnant que le toucher soit essentiel pour appréhender le monde. Sans l’usage du toucher que serions-nous? Que pourrions-nous faire?
En fait, dès notre naissance, nous aimons toucher. Grâce à ce sens, nous apprenons à développer notre confiance, notre estime de soi et notre capacité à communiquer. Le toucher permet de découvrir les autres, de rassurer, de saisir ce qui nous entoure et de socialiser. Bref, le toucher est vraiment un incontournable.
Après avoir évoqué brièvement ce qu’est le toucher et sa place cruciale, comment pouvons-nous aborder le thème « Toucher à l’éternité »? Ou en d’autres mots, comment toucher à ce qui est éternel? Cet éternel n’est-ce pas Dieu lui-même? Comment l’atteindre?
« Tu étais au-dedans, et moi, j’étais au-dehors et c’est là que je te cherchais…
Tu étais avec moi, et je n’étais pas avec toi. »
(Saint Augustin)
L’évangéliste Jean écrit : « Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, Toi le seul vrai Dieu, et celui que Tu as envoyé, Jésus Christ. » (17, 3) Ainsi, « Toucher » à l’éternité, consiste à choisir librement de vivre en communion avec Dieu, en relation avec Lui.
Ici, il s’agit toujours de s’abandonner à Dieu, de lui offrir une confiance inconditionnelle tout en reconnaissant sa fidélité immuable. Celui qui veut toucher à l’éternité se mettra à la recherche de Dieu. Cette quête mènera au plus profond de soi-même, là où on pourra y rencontrer Dieu qui y fait sa demeure. On pourra aussi le chercher dans toute la création et chez les autres et particulièrement, chez les pauvres et les laissés-pour-compte. « Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Matthieu 25, 40)
Pour chercher Dieu, il faut se confier à Lui, lui parler dans la prière comme à un ami qui sait tout de nous. Plus encore, il faut s’abandonner à Lui. La prière est ainsi l’acte le plus direct pour entrer en contact, en communion avec Dieu en passant par son Esprit Saint.
Et avant même que nous commencions à chercher Dieu, c’est Lui qui est venu à notre rencontre. L’initiative d’aimer vient de Lui. C’est une grâce reçue de Lui que de vouloir le trouver. Notre recherche est alors une simple réponse à Son invitation. C’est là le fondement de notre espérance et la possibilité de toucher à l’éternité.
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Pas à pas avec le Seigneur
Petite soeur Céline Pelletier, Famille Myriam Beth’léhem
Toucher à l'éternité
L’être humain est fragile et limité. Chaque jour, nous expérimentons notre faiblesse et nos limites. Alors, comment pouvons-nous oser espérer toucher à l’éternité?
Un jour, j’étais dans une école où la catéchèse n’était plus enseignée. Je ne sais pas même si on y prononce encore le nom de Jésus. Je parlais du pays d’Haïti où j’ai eu la joie d’aller en mission. J’illustrais mes paroles par des dessins : la mer, les montagnes, les palmiers, les bananiers… Les petits regardaient et écoutaient attentivement. Mais lorsque je leur donnai la parole, ils posèrent des questions d’un tout autre ordre : « Où allons-nous? Avons-nous été créés? Où est Dieu? Y-a-t-il un ciel? D’où vient le mal? » Et cette autre question d’une toute petite fille qui m’étonna : « Est-ce que notre pays va perdre son âme? » J’ai alors compris que les tout-petits sont pris d’un vertige devant ces questions existentielles qui demeurent sans réponse. Ils ont soif de vérité, ils ont besoin de ce qui est indestructible, sécurisant, éternel.
« La misère de celui qui se tourne vers Jésus attire sa miséricorde. »
J’ai aussi expérimenté la présence aimante de l’infini auprès de personnes en fin de vie. Une fois, on m’a demandé d’aller visiter une dame en CHSLD. Je savais qu’elle était une dame pieuse, héroïque dans une vie conjugale très difficile. Au moment d’entrer dans la chambre, on me dit qu’elle est dans le coma et qu’elle ne parle plus depuis quelques jours. J’entre quand même et je trouve son visage tout attentif, comme dans une attente, une soif profonde. Je prie en silence, puis j’ose m’exprimer. Elle qui avait les yeux fermés jusqu’à ce moment, me répond de sa voix toute faible mais si passionnée : « Oh oui! Si vous saviez combien j’ai hâte de me trouver près du Bon Dieu, combien j’ai soif de Lui! » Et la conversation continue tout orientée vers l’objet de son espérance. C’est un beau moment de communion fraternelle où la joie et l’espérance vont s’intensifiant. C’est Dieu qui touche son enfant, arrivée à sa dernière limite terrestre, et qui l’attire vers un amour d’éternité.
Un autre jour, dans un couvent de religieuses, nous visitons une personne mourante. Lorsque ma compagne et moi entrons dans sa chambre, nous lui disons que nous venons simplement pour prier avec elle. « Que voulez-vous que nous demandions à Dieu pour vous? » À ce moment, le regard de la mourante s’anime et exprime une ardeur étonnante : « Remerciez le Seigneur, dit-elle, pour les merveilles qu’il fait dans mon cœur. » Nous percevons le feu de l’amour divin qui brille dans son regard et qui manifeste une vie impossible à éteindre. Le Puissant, l’attire et elle perçoit déjà quelque chose du bonheur éternel qui l’attend.
Oui, comme le dit le psalmiste : « … devant ta face, plénitude de joie, à ta droite, délices éternels. » (Ps 16, 11)
Quelqu’un pourrait objecter : « Oui, mais moi je n’ai pas cette espérance, je vois plutôt le mal qui habite ce monde et qui paralyse notre marche vers Dieu. » Rappelons-nous le Bon larron qu’on appelait de son vivant le bandit, le malfaiteur. C’est à lui que Jésus a promis le paradis le jour même où ce malheureux condamné lui adressa une prière. (Lc 23, 39-43) Il est déclaré bienheureux et saint par Jésus lui-même sans procès de canonisation! Pas mal, n’est-ce pas? La misère de celui qui se tourne vers Jésus attire sa miséricorde. Oui, toucher à l’éternité… c’est aussi pour toi!