NOVEMBRE 2024

Éditorial par François-Marie Héraud

Donner au suivant...

Que peut-on vraiment donner au suivant, lui léguer? Bien sûr, il faut posséder quelque chose d’une certaine valeur qui sera apprécié par celui qui la reçoit. Mais ici, s’agit-il simplement des biens que l’on aura amassés tout au long de notre vie, de nos richesses matérielles?

N’est-ce pas aussi tous les jours que nous donnons au suivant et cela même à notre insu? Car avouons-le, ce que les autres conserveront et retiendront de nous n’est pas nécessairement ce que nous voudrions. Ne dit-on pas que nos gestes parlent plus fort que nos paroles?
« Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. 
Puis, il lui dit : Viens, suis-moi. »
(Marc 10, 21)
Ainsi, en souriant à un inconnu, en remerciant pour un geste posé à notre endroit, mais aussi par tant d’autres belles actions en apparence banales, nous semons et laissons quelque chose de nous. Mais n’oublions pas non plus que notre attitude aigrie, nos frustrations intempestives, notre désir de contrôler sont aussi ce que nous offrons ou imposons aux autres. Ces actions, toutes simples, émanent de nous et révèlent qui nous sommes.
Assurément, dès notre plus tendre enfance, il y a un sentiment universellement partagé : le désir de se sentir aimé. Rien ne peut l’égaler. Cela change tout, permet de s’épanouir, d’être libre et de traverser les pires difficultés ou épreuves.

« Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. Il lui dit : ‘‘Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi.’’ » (Marc, 10, 21)

Cette parole du Christ interpelle profondément. Son regard invite à une transformation radicale, celle de voir en Lui le seul trésor véritable. Certes, ce n’est pas une route facile.

Accepter le regard posé sur soi du Christ et se laisser transformer demande un abandon profond, une foi immense. Tant de personnes ont voulu ainsi s’en remettre entièrement à Dieu. Elles ont cru qu’elles ne seraient pas abandonnées, mais plutôt comblées de sa grâce. Car pour elles, tout ne pouvait venir que de Dieu.

Dans ce contexte, elles choisiront de se faire petites, pauvres. Dès lors, en n’ayant plus rien, absolument rien, elles dépendront entièrement de Celui qui se donne et qui les invite à le suivre.

Que Claire et François d’Assise nous aident sur le chemin de la pauvreté!

Que ce mois de novembre nous rappelle le regard de ceux et celles qui nous ont donné tendresse, douceur, amour et qui nous ont quittés!

Que le Seigneur pose son regard sur nous et transforme notre cœur afin que nous puissions l’accueillir et le donner au suivant!

Union de prière!

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Maturité spirituelle

Olivier Lessard

Donner au suivant...

Dans la confiance ! 

Je trouve que l’expression « Donner au suivant » semble retrouver un certain essor ces dernières années, ne trouvez-vous pas? Je ne sais pas si c’est en partie grâce à la popularité de l’émission de télévision du même nom, mais le geste de charité, lui, ne date certainement pas d’hier. En fait, je n’ai aucune idée de son origine. Cependant, elle me renvoie à une parole du Christ : « Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement. » (Mt 10, 8) Il est vrai que dans la réalité de nos vies qui diffèrent les unes des autres, lorsque l’on donne, c’est souvent parce que quelque part, nous avons reçu.

Dans l’écriture, lorsque Jésus nous donne ce « commandement », Il s’adresse à ses douze disciples. Après leur avoir donné les explications sur leur mission à venir, c’est-à-dire : « Allez vers les brebis perdues… guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons. » (Mt 10, 6.8) Il leur rappelle qu’ils ont eux aussi un jour bénéficié de certaines guérisons dans leur propre vie, et qu’aujourd’hui, ils sont invités à donner au suivant dans leur mission.

« Fragiles, fissurés, cassés…, le Christ nous prend tels que nous sommes,
car Dieu regarde notre potentiel et non nos fautes. »

J’aime cette délicatesse de Jésus de nous rappeler que l’espoir sur lequel Il mise, à savoir ses disciples, ont autrefois été dans une tout autre position. Autrefois perdus, tous ont été témoins de la guérison du Christ dans leur vie respective. Conscient à présent qu’ils ont été porteurs de blessures, aujourd’hui cicatrisées, ils sont désormais devenus l’espoir en qui Jésus met toute sa confiance pour bâtir son Église.

Qu’il est bon de se reconnaître au travers des diverses cicatrices du corps et de l’âme que portent les disciples! Celles-ci nous invitent à y voir, en nos propres blessures, la porte d’entrée de la grâce du Christ. Nous sommes donc invités par son don à nous relever de nos chutes, guérir de nos blessures et devenir, à notre tour, des hommes et des femmes qui vont au-devant des égarés en les guérissant de leurs maux et en les ressuscitant de leurs morts. Bref, en donnant comme nous avons reçu. Le Christ nous rappelle aussi par l’exemple de ses disciples que ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les estropiés de la vie. Et que ce n’est pas pour « l’élite » que Jésus est venu, mais pour les petits.
Son Église est belle et bien construite avec des pierres imparfaites, mais qui constituent le Corps du Christ qui Lui est parfait. Comme c’est chaleureux de se sentir invités à prendre part à cette construction tels que nous sommes; fragiles, fissurés, cassés…, le Christ nous prend tels que nous sommes, car Dieu regarde notre potentiel et non nos fautes. Ce potentiel glorieux utilise notre passé et notre aujourd’hui quels qu’ils soient.

J’aime m’imager les moments où Jésus, lui-même, a reçu. Bien sûr, il est Fils de Dieu et a le même Esprit que Dieu, mais il a voulu se faire tout petit. Il n’a pas retenu la possibilité d’être indépendant des autres, mais Il a décidé d’en exprimer le besoin en nous appelant chacun de nous. Il a été blessé, marginalisé, et a connu des souffrances jusqu’à en mourir. Certes, mais Il a aussi trouvé dans son entourage du réconfort, de la joie, de la guérison et cela encore aujourd’hui; « …chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25, 40)